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Fiche d’information précontractuelle : rigueur à l’égard de l’assureur

Civil - Contrat
Affaires - Assurance
27/09/2021
Manque à son devoir d’information précontractuelle au titre de l’article L. 112-2, alinéa 1er du Code des assurances, l’assureur qui, à l’occasion du renouvellement du contrat d’assurance, mentionne dans son acceptation uniquement la garantie décès alors que le souscripteur sollicite la reconduction de l’ensemble des garanties précédemment souscrites incluant notamment celle, litigieuse, couvrant l’incapacité de travail.
Faits et solution

En l’espèce, dans le cadre de couverture d’un prêt bancaire, une personne adhère à un contrat d'assurance de groupe.

Ledit contrat, souscrit en 2011 pour une durée de trois ans, garantissait expressément les risques de décès, de perte totale et irréversible d'autonomie et d’incapacité totale de travail. En 2014, l’adhérent a sollicité le renouvellement des garanties précitées auprès de l’assureur, de sorte qu’une nouvelle police d’assurance, remplaçant celle précédemment conclue, est envisagée. L’assureur, la société Quatrem, adresse à son client une lettre daté du 26 septembre 2014 mentionnant que son adhésion avait été « acceptée aux conditions suivantes : DÉCÈS : garantie acceptée avec application d'une surprime de 150 % ».

Le 12 janvier 2015, le souscripteur subit un accident vasculaire cérébral et sollicite l’assureur en vue de bénéficier de la garantie d'incapacité de travail qu’il estimait acquise à son profit.

Toutefois, l’assureur refuse d’accéder à sa demande en arguant que par la lettre du 26 septembre 2014, il n’a accepté de couvrir que le risque décès moyennant une surprime.

Les magistrats de première instance ainsi que ceux d’appel confortent l’analyse de l’assureur en comparant les lettres du 5 juillet 2011 et 26 septembre 2014 : constatant que dans la seconde les garanties de la première n’y figurent pas, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence refuse la mise en œuvre de la garantie d'incapacité de travail.
Cet arrêt est cassé dans toutes ces dispositions par la Cour de cassation au visa de l’article L. 112-2 du Code des assurances. Les hauts magistrats rappellent que « selon ce texte, l’assureur doit obligatoirement fournir une fiche d’information sur le prix et les garanties avant la conclusion du contrat, et remettre à l’assuré un exemplaire du projet de contrat et de ses pièces annexes ou une notice d’information sur le contrat qui décrit précisément les garanties assorties des exclusions ». Plus précisément, la Cour relève que dès lors que l’assuré avait sollicité les mêmes garanties que précédemment conclues, « ni la lettre du 26 septembre 2014, qui se bornait à faire état d’une acceptation de l’adhésion sollicitée avec une surprime pour le risque décès, ni sa comparaison avec celle du 5 juillet 2011, n’étaient de nature à informer précisément l’assuré du refus de l’assureur de garantir désormais ces risques ».

Éléments d’analyse

L’article L. 112-2 du Code des assurances énumère trois écrits que l’assureur-proposant doit remettre au futur assuré et dont se trouve en première place la fiche d’information. L’alinéa premier dudit article dispose effectivement que « l'assureur doit obligatoirement fournir une fiche d'information sur le prix et les garanties avant la conclusion du contrat ». La lettre de la loi n’éclaire pas davantage quant au contenu concret de cette obligation, ni aux éventuelles sanctions en cas de son non-exécution.

Selon le Professeur Kullmann « la fiche constitue le support technique de l’information sur les caractéristiques essentielles du service qu’est l’assurance, et qui consiste en un ensemble d’engagements contractuels » (Lamy Assurances 2020, n° 492). Il s’agit ainsi d’un document précontractuel dont l’objet est d’éclairer le consentement du contractant quant aux éléments essentiels du futur contrat d’assurance, à savoir le prix et les garanties.

Fait notable dans cette espèce est que l’assuré avait sollicité la reconduction des mêmes garanties à l’approche de la date d’expiration de son contrat initial. Il y a donc un nouveau contrat en gestation qui nécessite l’information de l’adhérent avec les instruments d’information contenus dans l’article L. 112-2 précité. Dans ces conditions, l’acceptation mentionnant seulement le risque décès moyennant une surprime n’éclaire pas suffisamment le futur souscripteur en entretenant une confusion quant à l’étendue exacte des garanties (en mentionnant uniquement la garantie décès alors que le souscripteur demandait les mêmes garanties que précédemment souscrites, les garanties restantes sont-elles pour autant exclues ?).

Certes, les puristes du droit des obligations pourront arguer que l’adhérent était suffisamment éclairé quant à l’étendue des garanties par les termes de la mention d’acceptation et ayant notamment à l’esprit le manque de précision des dispositions du Code des assurances en la matière : la position adoptée in fine par les juges du fond. Il ne faut pourtant pas occulter la finalité de la loi n° 89-1014 du 31 décembre 1989 (JO 3 janv. 1990) qui a inséré l’alinéa premier à l’article L. 112-2 du Code des assurances : en imposant à l'assureur la remise systématique d'une fiche d'information « l'Assemblée nationale a souhaité renforcer encore la protection des assurés » (Rapp. AN n° 97, 6 déc. 1989).

On rappellera enfin que la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 (JO 27 juill.) est venue préciser désormais qu’ « une fiche standardisée d'information est remise, lors de la première simulation, à toute personne qui se voit proposer ou qui sollicite une assurance ayant pour objet de garantir le remboursement d'un prêt [immobilier] ». Le décret n° 2015-460 du 22 avril 2015 (JO 24 avr.) cible davantage les informations que doit contenir la fiche standardisée d’information qui notamment « énonce de manière claire et lisible les principales caractéristiques de l’assurance ayant pour objet de garantir le remboursement d’un prêt ».

Ces éléments rappellent l’importance que le législateur a accordé à la protection du consentement des adhérents / emprunteurs et que la Cour de cassation applique avec rigueur. 
Source : Actualités du droit